7 Décembre 2017
Montréal, peut-être la rue Saint-Denis (je porte peu de crédit aux sirènes trompeuses de la mémoire).
Un « robineux » - québécisme pour désigner un clochard – avachi sur un banc réclame un petit sou à tous les passants.
Je passe devant lui. Silence, silence excluant. Celui ou celle qui me succède a droit à la litanie : « un p’tit sou ? » Mon sang ne fait qu’un tour et mon corps un demi-tour.
Je reviens sur mes pas et je me plante, la canne blanche bien en évidence, devant le mendiant : « Vous n’auriez pas des problèmes de vue, monsieur ?
Il bafouille : « Mais doux Jésus pourquoi tu demandes ça à moué ?
— Parce qu’il me semble que tu as refusé de me voir quand je suis passé devant toi. Je suis le seul à qui tu n’a pas réclamé un p’tit sou. »
Je pense par devant moi : voici le cas d’un homme miséreux qui se dit qu’il ne peut pas faire son job de mendiant auprès d’une personne privée de la vue. Je souris. Ah, tout ces a priori, toutes ces représentations projetées sur les différences ! Je tends un dollar à ce frangin gueusant et je poursuis mon chemin.
Merde alors, l’argent d’un aveugle aurait-il une mauvaise odeur ? Je suis vite rassuré : le boulanger, le poissonnier et le libraire ne font pas de manières quand je leur tends mes dollars contre pain, poisson, et livres…
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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