1 Décembre 2009
Je m'appelle Leïla et j'ai maintenant 14 ans.
Je ne pense pas avoir eu une enfance très commune, étant née dans un petit
village au fin fond de l'Ardèche et ayant pour père une personne qui me dit
ne pas voir .
Mais pourtant il me dit que je suis belle, il sait tout ce que je fais, me
trouve quand je me cache, peut jouer au ballon avec moi . J'aime cette
personne mais je ne veux pas d'elle comme père!!
Pourquoi ma voisine, mon voisin, mes amis de l'école ont un papa qui voit ???
Je ne comprends pas pourquoi je suis différente; pourquoi il est différent ??
Pendant mes 6 premières années toutes ces questions me hantent.
Mes amis me posent des questions, m'interrogent sur le fait que mon père ne
voit pas.
Ils ne comprennent pas quand je leur dit qu' il ne voit pas que du noir
mais tous simplement RIEN.
Ils me disent que je mens que ce n'est pas possible, qu'il voit !
Je suis blessée mais je leur dit que je suis sûre de moi et qu'il m'a
affirmé qu'il ne voyait pas.
Un jour je me dis que mes amis ont peut être raison et demande à mon papa de
me prouver qu'il ne peut pas voir.
Et je me retrouve face à un homme qui vient de retirer son oeil devant moi.
Plus jamais je n'ai douté du fait qu'il soit non-voyant.
J'ai grandi avec beaucoup de réflexes qui se sont imposés à moi, naturellement, comme le guider ; guider est si simple en apparence; il suffit de lui tenir le bras et d'avancer !
Mais NON il faut voir pour deux, lui prêter mes yeux mais pas mes jambes, contrôler les endroits où il marche mais sans m'oublier pour autant.
Une attention énorme est demandée, exigée ! Mais cela il ne m'a pas fallu l'apprendre, ça m'est venu automatiquement. J'avais toujours vu comment ma maman le guidait mais le jour où je me suis retrouvée à le guider j'ai eu peur de mal le faire et dès les premiers pas il m'a dit :
« Leïla tu ne dois pas avoir peur; j'ai confiance en toi, alors, aie confiance en toi, » et depuis ce temps c'est si simple si naturel et tellement agréable.
On me dit souvent que je suis étonnamment mûre et surtout débrouillarde pour une ado. Oui c'est vrai je ne suis pas timide, je m'affirme et je me demande si le fait d'avoir un père AVEUGLE ne m'a pas fait grandir et évoluer, non pas plus vite, mais plutôt d'une façon différente des autres enfants.
Mon sentiment est passé de l'incompréhension au refus puis au doute et plus ou moins à la honte et maintenant c'est très volontiers que je parle de mon père et de son « handicap ».
Je suis heureuse et presque fière du père que j'ai.
De toute façon je n'avais pas le choix me direz-vous !!
Mais dans la vie on a rarement vraiment le choix.
Voilà je pense avoir tout dit sur mon ressenti d'avoir Jean-Pierre Brouillaud comme père.
Avoir un père aveugle est très constructif.
Leïla Brouillaud.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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