28 Décembre 2018
Avant de regarder ensemble la route 2018 dans le rétroviseur, à la volée je jette sur le talus des graines de projets, avec l’espérance qu’elles fleurissent un jour.
Du 11 janvier à la fin février avec une équipe d’amis/es, dont Lilian Vézin, réalisateur, nous montons une petite expédition dans le nord de la Colombie, dans la Sierra Nevada, avec l’envie de réaliser un nouveau documentaire dont le titre serait : « Les yeux ouverts ». Le moine bouddhiste Matthieu Ricard nous a déjà généreusement accordé une interview qui sera insérée dans le film.
À la fin mars, une résidence en Bourgogne nous attend, avec Pascal Ginestoux, pour créer un nouveau spectacle mêlant mots et « poésie pyrotechnique ».
En fermentation dans l’alambic à mots, un livre de nouvelles, « Voyage du coq à l’âme », écrit en queues de poissons, synesthésie et inspirations diverses.
Devrait peut-être paraître avant la saison estivale un livre d’une galerie de portraits autour du handicap et de l’humour de résistance concocté par l'infatigable Étienne Moulron ; livre dont j’ai le privilège d’être une des figures parmi la douzaine de personnages choisis.
Caroline Cabanis-Galliot, amoureuse de poésie et créatrice de luminaires, m’offre de créer des lampes sur lesquelles serait imprimé en écriture Braille quelques-uns de mes vers. Me plaît beaucoup cette idée où l’esthétique relief du braille serait mis en lumière à travers ses abat-jour et mes poèmes projetés en points d’or et d’ombre sur murs et plafonds.
Et je ne quitterai pas la route 2018 sans préciser que Matthieu Ricard m’a fait un très élégant cadeau en me proposant d’écrire quelques lignes autour de l’émerveillement pour son prochain livre de photos prises au cœur des montagnes du Yukon, territoire sauvage traversé par le fleuve éponyme qui se jette au nord dans la mer de Béring.
Pour parler de l'année passée, je commence par évoquer un émouvant souvenir : un jeune homme plein d’élan et de tendresse, Florian Miot-Bruneau, vingt ans et en études de cinéma, débarque un jour du train de Paris et vient passer la journée avec moi à Avignon – c’était en mars ou avril 2018. Il m’interviewe et voici sa vidéo.
Du côté pérégrinations, l’année 2018 m’a amené dans l’océan Indien, à l’île de La Réunion, dans les pays Baltes, Lettonie, Estonie, plus une très courte escapade à travers la mer Baltique à Helsinki. Puis un périple à travers la Roumanie, du delta du Danube aux collines de Transylvanie et des Apuseni, avec de timides entrées en Ukraine et en Bulgarie pour nourrir mon goût paradoxal des frontières.
Que voulez-vous, la géographie m’a toujours fasciné. J’avais retenu, du peu d’études faites, qu’Eratosthène, entre autre géographe, s’était laissé mourir de faim quand il était devenu aveugle parce qu’il ne pouvait plus contempler les étoiles. Dans le désir ardent de faire de ma vie un voyage, y a-t-il eu un besoin de réparer la capitulation d’Eratosthène ? Et pourquoi, avec lui, aurais-je dû abandonner au plus grand nombre, à ceux qui voient, l’exclusivité de respirer le grand corps palpitant du monde ?
La vie n’est-elle pas l’espace de tous les possibles quand il y a désir ?
En voyageant inconsidérablement à partir de seize ans, sans doute ai-je voulu continuer à infinir la route de ces hommes, aveugles et vaillants, le Britannique James Holman, au siècle dix-neuf, toujours entre la Patagonie et la Russie, et celle de ce Français Jacques Arago, qui publiera en 1840 « Voyage autour de la terre - Souvenirs d’un aveugle ». Je me demande si mon désir de voyage n’aurait pas pris source plus ou moins inconsciemment dans les incroyables vies de ces explorateurs de l’ombre.
Avec le philosophe, je crois que ce qui est étonnant, ce n’est certes pas ce que nous faisons, mais plutôt ce que nous ne faisons pas, alors que nous en avons envie.
2018, disions-nous, a été le creuset d’innombrables voyages en France, portant livres, films et conférences en médiathèque. À Paris, à Lyon… Au centre pénitencier, au Pontet… Dans de nombreux festivals de voyages : retour du monde près de Gap, Biarritz, en Charente-Maritime, aux Imprévus de Vorey … Dans des rencontres comme « Place to be » avec le philosophe Josef Schovanec, ou encore invité devant des publics sensibilisés au handicap… Des émissions de radios, deux passages télé… Des interventions et échanges avec des thérapeutes… Des conférences dans des cafés citoyens, dans des salles des fêtes comme à Tursac en Dordogne, ou à Cannes pour le Festival Entre Deux Marches… Sans oublier la nuit magique du cinq juillet à Chalancon, dans le nord Ardèche, pour le spectacle de « Pyropoésie » dans la forêt mise en joie de lumières inspirées par Pascal Ginestoux.
Le 24 décembre au soir, nous avons célébré la renaissance de la lumière avec des amis musiciens et poètes iraniens. J’y ai lu quelques-unes de mes proses parlant du jeu de cache-cache que se livrent nuit et lumière, accompagné par des instruments traditionnels : daf, kamânche, rabâb, ney. Là, j’ai retrouvé les émois qui m’ont littéralement transporté dans un pays de mémoires ravies quand, à dix-huit ans, l’Afghanistan m’a ouvert ses portes. Je remercie ces nouveaux amis et je vous offre ce lien pour que vous puissiez découvrir la joie en musique et en poésie qu’ils partagent en famille :
En juin, je crois, il y a eu la sortie de mon recueil poétique, « Incandescences – Rouge Désir ». Je ne résiste pas, en conclusion, à partager la préface de ce petit livre écrite par Philippe Pozzo di Borgo :
" À Jean-Pierre le Rouge.
Toi l’ami à la canne blanche, tu nourris le paralysé brûlant
et nous marchons de concert. Telle « la parabole des aveugles »
de Bruegel l’Ancien, le premier a culbuté dans le fossé, les suivants
se donnent la canne et trouvent leur chemin. Un chemin de vie,
dans une dépendance burlesque et aimable. Toi l’ami, en marche.
Tes poésies « rouge désir du monde » sont des routes vers soi, vers moi.
Des rencontres qui comblent l’absurde, l’absence.
Ce n’est pas la nostalgie de la lumière, c’est la recherche de l’autre,
ombre incandescente.
L’alchimie d’un temps pressé et inconsistant en temps dense, présent
et donné. Un temps à l’envers.
Tes vers apprivoisent la dépendance, ton appétence transforme la nuit
en jour.
Ni noir, ni espoir, une chaleur, nos manques acceptés, instants pacifiés.
Tu voyages sans être jamais autre part ; une présence.
Ta nuit est en avance de tous nos jours".
Si vous souhaitez lire ce recueil en vers et en sensations de voyageur vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante :
Happy New Year !
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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