27 Septembre 2015
Si vous voulez tout savoir sur la cécité et sur ceux qui la portent : INVITEZ MOI .............
"Invitez-moi .... ", voilà ce qui m’est venu une nuit à Khajurâo en juillet 2011, dans le Madhya Pradesh, sur l’indienne terre battue par la mousson.
Rien de moins que cela, rien de plus : invitez-moi sans me connaître pour l’audace de la rencontre.
Osons l’inconnu ensemble en cette époque où la peur nous coupe souvent des autres.
Rencontrons nos différences.
Cette idée m’est venu au cœur palpitant d’une indienne nuit, celle de me faire inviter par qui le souhaiterait en échange de quoi je raconterai, si cela me vient, quelques anecdotes de mon itinéraire d’aveugle aventureux ou tout autre chose. Mais je ne serai en aucun cas animateur de soirée, je rebondirai sur des discussions existantes tout au plus.
J’entends en souriant mes pères :
"Mais on ne demande pas de tels choses Jean-Pierre, c’est impoli, indécent".
Oui je sais on espère, on attend, on attend, et si ça ne se fait jamais on est frustré, incomblé, mais on a été courtois, convenable, et on entasse des manques sur nos manques jusqu’à ce que cela devienne insoutenable, alors on craque de partout, et là je peux vous dire que l’on est plus dans ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas, le refoulé sort à gros bouillon et éclabousse tout le monde !
Moi je fais ce qui vient, j’aime trop la vie pour me conformer à une image identitaire, m’enfermer uniquement dans ce que l’on attend de moi. Tant pis pour la respectueuse image sociale, la sacrosainte fidélité à ce que nos aînés nous ont transmis !
La vie se conjugue en prendre-donner, manger et être mangé, et l’on ne sait jamais nettement si celui qui semble donner ne prend pas et si celui qui paraît prendre ne donne pas.
Je préfère pour ma part dire qu’il y a échange et faire comme le Grec copain d’antan Ulysse en m’arrimant à mon mât, et les sirènes du collectif et de la soit disant bonne éducation peuvent bien chanter leurs rengaines séductrices, je garde mon axe, ma" jean-pierrité" et je fais ce que je ressens.
En fait, vous l’avez compris si vous lisez ce blog, j’aime voyager, j’aime l’imprévu, et je réalise que me faire inviter chez des inconnus, même dans mon pays, infinise le voyage et l’aventure. Et puis il y a un petit quelque chose, une étincelle souvent invisible, mais lorsque l’on relationne ouvertement, la rencontre peut faire naître une sorte de tiers implicite, un troisième qui est à la fois l’autre et moi, mais plus ample, et ça c’est régénérant. Ce « troisième » ce n’est pas un autre bien sûr, mais c’est nous deux en relation étonnés de découvrir le nouveau et le jusque-là inconnu qui sort de nos bouches et qui imbibe intimement notre manière d’être.
La règle du jeu que je propose :
Je désire être invité au moins un soir et être logé au moins une nuit, quelque soit les circonstances, le confort ou l’inconfort, car si vous êtes le président de la république ou SDF consultant internet de-ci de-là, vous ne m’offrirez sans doute pas le même couchage ! Mais que ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre se sentent aussi concernés : invitez-moi, et SVP faites circuler ce texte vers vos amis … sans oublier vos ennemis !
Faire entrer un étranger dans son intimité l’espace d’une soirée peut donner d’autres élans et ouvrir le goût de l’autre, aiguiser notre curiosité, créer du lien, monter des projets, raboter la peur de la différence, modifier notre regard sur l’existence, et je sais de quoi je parle avec mes années d’errances et de rencontres multiples.
Donc vers la fin juillet 2011, avec Pascal T, vieux compagnon de routes, Leïla, ma fille qui venait de fêter ses seize ans les pieds dans le Gange à Vârânasî, nous partagions à Khajurâho une chambre d’hôtel en rez-de-chaussée.
Ce que je pris pour un énorme ronflement humain me tira du sommeil autour de minuit. J’attendis quelques temps avant d’agir, mais ce qui me surprenait c’était que le ronfleur, obligatoirement Pascal, émettait une sorte de grognement quasi porcin avec une régularité suspecte. En effet le son coupable enflait pour s’éteindre environ toutes les deux minutes. Finalement n’y tenant plus je me levai et me dirigeai vers le matelas posé à même le sol où le «coupable» ami sommeillait si bruyamment. J’allai mettre ma main sur son épaule quand le dormeur m’apostropha en ricanant :
« Mais qu’est-ce que tu fabriques ? Sais-tu que tu m’empêches de dormir tellement tu ronfles ! Je n’ai jamais de ma vie entendu …. »
Et sa phrase ne s’acheva pas car un sonore grognement nous figea d’étonnement tous les deux. Ce n’est pas Leïla qui émettait un tel son car nous l’entendions respirer paisiblement. Alors ?...
Nous restons muets de stupéfaction puis d’un seul coup nous réalisons que le bruit perturbateur provient de dehors.
Nous nous dirigeons alors vers la fenêtre et Pascal découvre un grand buffle noir qui fait les cents pas et lâche un beuglement plaintif à chaque fois qu’il passe devant notre chambre.
Que faire ? Rien, bien sûr.
Et c’est là que l’Inde est un pays particulier en cela qu’il nous demande sous différentes formes d’accepter ce qui semble intolérable. Je revois des situations qui jalonnèrent ma douzaine de voyages sur cette terre aimée, des situations qui ont dû rendre plus d’un voyageur indophobe !
Si nous allions nous plaindre à la réception, le gardien de nuit ne comprendrait absolument pas, même avec de la bonne volonté, de quoi nous parlons.
D’une civilisation à l’autre nous n’avons incontestablement pas les mêmes normes.
Pascal se rendort et je goûte pleinement comment la nuit indienne remplit la chambre avec ses crissements d’insectes, des jappements de chiens et de chacals lointains, une odeur de terre et de végétation macérées par l’active mousson, et n’oublions pas le beuglement régulier du buffle noir.
J’observe, je suis aux aguets, et cette idée de me faire inviter et d’accepter toutes les invitations sans discrimination émerge du noir de ma nuit interne et se met à clignoter avec insistances.
Je sais je suis aveugle mais quand même c’est écrit en si gros caractères que …. Ma foi … je finis par voir le programme affiché !
" INVITEZ-MOI " ...
Ah oui je sais c’est plus convenable d’inviter que de se faire inviter, de donner que de prendre, mais je ne tiens ni à être comme il faut ni à son contraire.
Pour moi être conformiste ou anticonformiste relève de la même conscience grégaire, le modèle premier étant passif et le second réactif mais entretenant le premier en en étant dépendant.
Au petit matin nous arpentons un marché boueux avant d'aller nous infuser dans les poèmes d'amour que chantent les pierres des temples érotiques de Khajurâho.
Pour imager ce projet je livre une histoire juive montrant un rabbin qui demande à ses étudiants :
- Comment sait-on que la nuit s'est achevée et que le jour se lève ?
- Au fait que l’on peut reconnaître un mouton d'un chien, dit un étudiant.
- Non, ce n'est pas la bonne réponse, dit le rabbin.
- Au fait, dit un autre étudiant, que l’on peut reconnaître un figuier d'un olivier.
- Non, dit le rabbin. Ce n'est pas encore la bonne réponse.
- Alors comment le sait-on ?
- Quand nous regardons un visage inconnu, un étranger, et que nous voyons qu'il est notre frère, à ce moment-là le jour s'est levé. Pas avant.
Et quand je parle aujourd’hui aux uns ou aux autres de ce projet, ils me disent tous :
« Ca ressemble à un documentaire à la télé, Antoine de Maximy qui se fait inviter partout dans le monde et qui est filmé et dont le titre de l’émission est : "j’irai dormir chez vous".
« Ah oui, pourquoi pas, mais je n’ai jamais entendu parler de cette émission, dites-moi, j’inviterai cet homme où il m’invitera ou nous nous ferons inviter ensemble !
Et puis peut-être que les faiseurs d’audimats vont se dire :
Ah un aveugle qui se confronte et confronte les autres à sa particularité en débarquant chez les uns et les autres, nous mettons la lumière sur lui ! Mais la lumière n’est pas la nostalgie de l’aveugle que je suis, ou plutôt elle ne l’est plus, et si elle galope jusqu’à moi, elle ne me détermine plus.
Invitez-moi, pour rien ou pour satisfaire votre curiosité, pour le plaisir de la rencontre, et après le projet accompli de janvier-février 2010 échange de perceptions à Paris patronné par Eric Lange et son émission "allô la planéte"
Prêtez-moi vos yeux,
Et laissez-moi voir à travers vous,
Je vous prête un autre regard.
Voici une nouvelle mouture prétexte à la relation pour rencontrer la différence :
Si vous voulez tout savoir sur la cécité et ceux qui la porte contactez moi via le blog.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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