Jean Grenier est beaucoup moins connu qu'Albert Camus, certains lui octroient la paternité de l'existentialisme, qu'importe les étiquettes, mais lisons cet homme dont je ne saurai que vous recommander de lire " les îles", livre paru chez Gallimard en 1933 ; 156 pages d'un bonheur non métissé...
LE PARC
Un jour, je traversais à pied un parc d'un faubourg de Londres.
Je notais alors que j'avais l'esprit entièrement occupé par des projections
à propos d'événements futurs pouvant ou non se produire.
L'idée me vint de laisser tomber toutes ces projections et d'être simplement à ma marche. Je remarquais combien chaque pas était totalement unique par sa sensation et sa pression et comment, à peine en prenais-je conscience, il disparaissait l'instant d'après pour ne jamais se répéter de la même manière.
Tandis que mon esprit était occupé à ces réflexions, il y eut une soudaine
translation de moi en train d'observer ma marche, à la seule présence de
la marche.
Ce qui arriva ensuite est simplement au-delà de toute description. Je ne
peux que dire, de manière inadéquate en mots, qu'une incommensurable
présence tranquille sembla descendre et envelopper toute chose.
Tout et chaque chose devint intemporel et je cessai d'exister.
Je disparus et il n'y eut plus personne pour faire l'expérience de quoi que ce soit.
L'identité avec l'unicité de toute chose est ce qui se produisit.
Je ne peux pas dire que j'étais " un avec " ceci ou cela, car j'avais disparu. Je peux seulement dire qu'une identité absolue et l'unicité en tout et en chaque chose c'était produite et qu'un amour débordant emplissait tout.
Avec cela survint une pleine compréhension de la totalité.
Tout cela s'était passé hors du temps en un éclair qui parut éternel.
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