5 Septembre 2019
On dit, on dit qu’il a volé les vêtements de la jolie baigneuse
Autour d’elle, roches brunes déchiquetées, blanches fuites d’eau écumeuse
Elle a crié : reviens bienheureux détrousseur, tu as oublié ma mémoire, mon âge,
mon nom
C’était sous un ciel camaïeu de saxophones en érection.
Entre deux nuages la tête de John Coltrane lui serait apparue
Un instant le paysage il serait devenu
Paysage musicalisé, a love supreme
Il aurait hurlé en arrachant ses propres vêtements : Vie je t’aime, vie je t’aime !
On dit que le long du torrent il a marché, marché à l’envi
Un pêcheur tenait une truite qui négociait sa vie
Personne n’entendait la prière du poisson
Qui se débattait au bout de l’hameçon.
Il disait que dans sa tête une voix voulait qu’il se prenne pour elle
Il la laissa migrer avec les courants d’air, les courants d’eau, les oies sauvages,
les hirondelles
Usage de faux, usurpation d’identité
Pas de père, mère morte à la maternité.
À un feu d’artifice du Quatorze Juillet une femme rousse lui aurait demandé s’il
l’aimait
Sans répondre il lui a tourné le dos, il n’avait jamais entendu ce verbe, jamais.
On dit que cela lui donna faim, la fenêtre d’une ferme lui fit alors un clin d’œil
Il fut nourri deux jours, les chasseurs avaient tué un chevreuil.
Puis il a croupi plusieurs nuits en prison
Parce qu’il ne voulait pas se rappeler son nom
Il y avait des rats, des punaises, des cloportes
Un soir ils lui ont dit « casse-toi » en ouvrant la porte.
À l’orphelinat, il allait pieds nus et solitaire
- pas d’intermédiaire entre moi et la terre
Était-il affranchi ou était-il soumis à la folie ?
On dit que le blues du hors-la-loi a été inspiré par lui.
On ne l’a jamais revu, ni dans les bars ni dans les clandés de Saint-Malo
Une ballade fredonne qu’il est parti sur les mers comme matelot
Mais l’hiver quand le vent âpre joue de l’harmonica sur la lande
Autour des cheminées fumantes et sur le bleu des ardoises flotte sa légende.
Laveur de carreaux, ouvrier agricole, ramasseur de champignons
Les bourgeois le moquaient en l’appelant : l’homme sans chaussures et sans
opinion
La jolie baigneuse s’est mariée avec le pêcheur de truite
Les soirs de doute et d’alcool tout deux racontent que c’était un homme en fuite.
Il aurait dit à un gendarme : « Les homme imaginent leur existence en cul-de-sac
et en diverses ponctuations
Pourtant la vie ne fait ni rature, ni contrefaçon »,
On dit de lui tellement de choses
La rumeur, un bourdon zinzonnant autour d’une rose.
Un temps l’homme voudrait croire qu’il cherche ce qu’il n’a pas
De Berlin à Boston en passant par Tegucigalpa
Il ne sait pas encore qu’il aspire à renouer avec ce qu’il ne peut égarer
Et dont aucune gloire, richesse, réussite, ne sauraient le parer.
À la croisée du parfum des miroirs
Le mortel implore la paix du fond de son tiroir
Mais il ne rencontre que son impuissance
Qui a dérobé l’échelle de la transcendance ?
On ne capture jamais les étoiles filantes
Et pour lui le trimardeur, fou ou sage, avec mes mots je chante
Avec le pivert qui picasse, la mésange qui zinzinule et les fleurs qui poussent
Et qu’importe, si le soir du Quatorze Juillet, il n’a pas su aimer la femme rousse !
Les acteurs de la normalité
Ont peur de la marginalité
Craille la corneille, stridule la sauterelle
Oublions les hiérarchies, trouvons entre nous l’invisible passerelle.
De l’autre côté du golfe sale brûlaient des torchères
L’accordéoniste avait la tête d’un type qui avait tout perdu aux enchères
Et il beuglait : On dit, on dit qu’il a volé les vêtements de la jolie baigneuse
Autour d’elle, roches brunes déchiquetées, blanches fuites d’eau écumeuse.
John Coltrane - A Love Supreme [Full Album] (1965)
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Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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