21 Octobre 2023
Dans ma poche le livre demande à la poussière
Je voudrais marcher à l’envers du rêve américain avec John Fante
Le bonheur, une ombre en laisse qui renifle nos derrières
Pour voir cela pas besoin d’être clairvoyant ni un hiérophante !
Souvenirs salés-sucrés au palais déformant de ma mémoire
Soirée rébétiko dans une taverne sous les feuilles bruissantes des trembles
On passe son temps à se raconter des histoires et à faire semblant d’y croire
Persiste mon goût immodéré pour la musicalité des mots à faire jouir ensemble
Un tournesol accordé en do
Un tournedos sous un parasol
Une caïpirinha à Hokkaido
Une sieste sous un arbre à Corossol.
Ailleurs, une route déserte, un pouce levé, ciel de neige sur le Nouveau-Brunswick.
Braïla, terrasse ouverte sur le Danube, je bois une bière à la santé de l’écrivain vagabond Panait Istrati
Même en lisant Arnaldur Indriðason ça ne m’a jamais donné envie d’aller à Reykjavík
Une femme d’oripeaux et de larmes m’offre son enfant à la frontière d’Haïti.
Au coin de sa rue, un dealer de poudre d’escampette
Un aveugle en plein jour qui broie du noir
Toute tentative d’autobiographie est de la branlette
En Équateur, dans une fourmilière affolée, la langue gourmande d’un tamanoir.
Un rastaquouère à Santorin sirotant un verre de retsina
En pleine raspoutitsa, il marche indifférent le pèlerin
À La Paz un cireur de chaussures joue de l’ocarina
Dans un musée à Nouméa une pirogue mélanésienne et un étui pénien.
Pleurs de pétales rouges dans un jardin à Chiraz
Un verre d’horchata de chufa, à la radio une milonga
Fleurs de sang et de haine gravées sur un mur de la prison d’Alcatraz
Assise sous un micocoulier migraineux elle m’invite à faire du yoga.
Un ado geek sur un canapé à Taipei
Trop de vino verde : un calamar calamiteux à Kalamáta
Un gruyère rebelle qui refuse d’être râpé
Desiderata d’une chipolata à Bogotá.
Sous un manguier j’apprends avec les enfants à jouer à l’awalé
Une chaussure éventrée, zut c’est la mienne !
Stridulations aigres-douces des grillons dans une nuit de satin étoilé
Dans ma mémoire sélective sans queue ni tête des images vont et viennent.
Popocatépetl, une hypoxémie me contraint à redescendre vers la vallée
Je cours, je n’ai pas les mots de passe pour la mort, je n’ai pas encore lu le Popol Vuh
Les souvenirs sont des feuilles mortes sur la page blanche d’un présent immaculé
Récurrence d’images imprévues.
Galice, une voiture s’arrête :
— Vous allez où ?
— À Santiago de Compostela je m’arrête
Je continuerai à rêver sous les eucalyptus, le conducteur roule vers Cordoue.
Je m’accroupis sur le talus en malaxant de l’humus
Dans ma poche le livre me conseille de demander à la poussière
Un affolant orage se dessine avec la sombre apparition d’un cumulo-nimbus
Sentiment d’impuissance. Sur mes lèvres tremblote une silencieuse prière.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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