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Réminiscences en bord de route  

Réminiscences en bord de route   
Réminiscences en bord de route   
Réminiscences en bord de route   

Dans ma poche le livre demande à la poussière

Je voudrais marcher à l’envers du rêve américain avec John Fante

Le bonheur, une ombre en laisse qui renifle nos derrières

Pour voir cela pas besoin d’être clairvoyant ni un hiérophante !

 

Souvenirs salés-sucrés au palais déformant de ma mémoire

Soirée rébétiko dans une taverne sous les feuilles bruissantes des trembles

On passe son temps à se raconter des histoires et à faire semblant d’y croire

Persiste mon goût immodéré pour la musicalité des mots à faire jouir ensemble

 

Un tournesol accordé en do

Un tournedos sous un parasol

Une caïpirinha à Hokkaido

Une sieste sous un arbre à Corossol.

 

Ailleurs, une route déserte, un pouce levé, ciel de neige sur le Nouveau-Brunswick.

Braïla, terrasse ouverte sur le Danube, je bois une bière à la santé de l’écrivain vagabond Panait Istrati

Même en lisant Arnaldur Indriðason ça ne m’a jamais donné envie d’aller à Reykjavík

Une femme d’oripeaux et de larmes m’offre son enfant à la frontière d’Haïti.

 

Au coin de sa rue, un dealer de poudre d’escampette

Un aveugle en plein jour qui broie du noir

Toute tentative d’autobiographie est de la branlette

En Équateur, dans une fourmilière affolée, la langue gourmande d’un tamanoir.

 

Un rastaquouère à Santorin sirotant un verre de retsina

En pleine raspoutitsa, il marche indifférent le pèlerin

À La Paz un cireur de chaussures joue de l’ocarina

Dans un musée à Nouméa une pirogue mélanésienne et un étui pénien.

 

Pleurs de pétales rouges dans un jardin à Chiraz

Un verre d’horchata de chufa, à la radio une milonga

Fleurs de sang et de haine gravées sur un mur de la prison d’Alcatraz

Assise sous un micocoulier migraineux elle m’invite à faire du yoga.

 

Un ado geek sur un canapé à Taipei

Trop de vino verde : un calamar calamiteux à Kalamáta

Un gruyère rebelle qui refuse d’être râpé

Desiderata d’une chipolata à Bogotá.

 

Sous un manguier j’apprends avec les enfants à jouer à l’awalé

Une chaussure éventrée, zut c’est la mienne !

Stridulations aigres-douces des grillons dans une nuit de satin étoilé

Dans ma mémoire sélective sans queue ni tête des images vont et viennent.

 

Popocatépetl, une hypoxémie me contraint à redescendre vers la vallée

Je cours, je n’ai pas les mots de passe pour la mort, je n’ai pas encore lu le Popol Vuh

Les souvenirs sont des feuilles mortes sur la page blanche d’un présent immaculé

Récurrence d’images imprévues.

 

Galice, une voiture s’arrête :

— Vous allez où ?

 À Santiago de Compostela je m’arrête

Je continuerai à rêver sous les eucalyptus, le conducteur roule vers Cordoue.

 

Je m’accroupis sur le talus en malaxant de l’humus

Dans ma poche le livre me conseille de demander à la poussière

Un affolant orage se dessine avec la sombre apparition d’un cumulo-nimbus

Sentiment d’impuissance. Sur mes lèvres tremblote une silencieuse prière.

 
 

 

Réminiscences en bord de route   
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À propos

Jean-Pierre Brouillaud

Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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