8 Septembre 2015
Dacca 1983,
En descendant de l’avion en provenance d’Amsterdam j’ai dans la tête le concert caritatif avec Harrisson, Dylan et Ravi Shankar, destiné à récupérer des fonds pour soutenir le Bangladesh balayé par un terrifiant raz-de-marée, c’était en 1971.
En posant le pied sur cette terre souvent meurtrie par les guerres ou les catastrophes naturelles me vient à l’esprit qu’un voyage devrait être un dissolvant pour diluer l’image qui se glisse entre le voyageur et le pays qu’il découvre. Ce sera chose aisée en ce qui concerne ce nouveau périple ; je ne sais rien ou presque de cette contrée si ce n’est le sang de sa population par trop mélangé aux eaux du delta du Gange lors de sa séparation avec sa voisine indienne.
Dans l’autocar bringuebalant et surpeuplé qui nous conduit vers Dacca, je sympathise avec Jean-Jacques, un Français qui travaille au Népal avec les enfants des rues. Il est accompagné de Kensu, un petit Népalais d’une dizaine d’années zézaiyant des rudiments de français. Jean-Jacques m’invite à passer chez lui dans un village de la vallée de Pokhara. J’accepte avec bonheur.
Quand je le retrouve, quelques mois d’aventures et de fortunes plus tard, il me raconte une anecdote qui donnera le titre de ce texte:
« Il y a quelques jours, Kensu m’a demandé quand est-ce que le « veugle » viendrait nous rendre visite… J’ai exigé qu’il reformule son interrogation et il a répété exactement la même chose, en parlant cette fois-ci plus distinctement. J’ai fini par comprendre et j’ai éclaté de rire. Il était vexé. Alors je me suis assis auprès de lui et avec tendresse et patience je lui ai expliqué qu’en français on disait “aveugle” et non pas “le veugle”. Il a répondu, accusateur et très cohérent :
Mais c’est un homme et un homme c’est masculin en français. Jean-Jacques tu m’as bien appris que l’on dit “le veugle” pour un monsieur et “la veugle” pour une femme ! »
J’aimerai offrir ce titre « le veugle » à mon autobiographie qui paraîtra, si tout va bien, à la fin de cette année aux éditions du Seuil, dans la collection Point aventure. Mais aujourd’hui, parait-il, on ne fait pas ce que l’on veut car en matière de com les professionnels savent naturellement mieux que les auteurs ce qui plaît ou pas ! Un pareil titre, le veugle, est-ce vendeur ? L’avenir nous le dira ! En attendant je me demande bien ce qu’a pu devenir Kensu… surtout après cette terrible date du 25 avril 2015...
Jean-Jacques si tu rencontres ce texte ?...
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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