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S'ils viennent un jour

S'ils viennent un jour
S'ils viennent un jour
S'ils viennent un jour

« S’ils viennent un jour, tu te caches mon fils, t’enfuis »,

C’est ce que lui répétait sa maman.

Ils sont venus, il s’est glissé dans le puits,

Des détonations, des cris, des flammes, et soudain plus un bruit, même plus un aboiement.

 

Parents, voisins, tués, enlevés, violés, maisons incendiées : un carnage.

Pieds nus, la terreur au ventre, l’enfant a couru comme s’il avait un crocodile aux trousses,

Désormais il était seul, seul et ne connaissant ni vraiment son nom et encore moins son âge.

Pâle comme une morte, on aurait dit que la lune elle-même avait la frousse !

 

Odeurs de corps carbonisés, silence, ruines fumantes,

Plus de cris de singes, plus de feulements, même les insectes s’étaient tus,

Terrifié il a traversé l’esprit de la nuit et ses épouvantes,

Son village de tôles, de terre et de bois n’existait plus.

 

« Ils sont venus, maman, venus, je les ai entendus mais je ne les ai pas vus,

Ils ont volé ma grande sœur qui a hurlé, hurlé ton nom à réveiller les ancêtres et le tonnerre,

Maman comment pourrais-je les reconnaître maintenant que tu n’es plus ?

En fuyant à travers la brousse j’ai perdu la mémoire, je me suis retrouvé dans une ville en guerre. »

 

Il y avait des soldats, des coups de feu et plein d’enfants des rues vêtus de chiffons.

Pour survivre, il a volé aux étals des marchés, dormi dans les taillis,

Puis à pied, il est arrivé devant une mer de sable et d’ondulations,

Affamé, assoiffé, épuisé, un camionneur l’a recueilli.

 

Il l’a laissé dans un pays de palmes, de mosquées et de femmes voilées,

il a été battu, emprisonné, forcé à travailler nuit et jour.

Où était le gâteau coco banane cajou et le jeu d’awalé ?

Où était cette maman sévère mais rieuse et si pleine d’amour ?

 

Devant une mer d’eau éblouissante,

Une nuit il s’est hissé sur une embarcation de fortune,

Mais avec un bateau à moteur, ils leur ont tiré dessus avec des armes rutilantes,

Pâle comme une morte était la lune.

 

Il a hurlé : « Maman je suis au milieu de la mer, je ne sais pas nager. Au secours ! À l’aide ! »

Ils sont venus une fois de plus ; cette fois-ci il les a vus, mais c’était la dernière,

Désormais ses os avec ceux des coquillages et les squelettes des poissons feront les plages de demain : touristes, parasols et pinèdes,

Cycle impitoyable, transformation géologique, les morts portent les vivants en se mélangeant à la terre.

 

 

S'ils viennent un jour
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À propos

Jean-Pierre Brouillaud

Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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