9 Mai 2012
Ma première rencontre avec toi Yvan, en Vaucluse, à Robion… eut l’effet d’un impitoyable miroir. C’était - mais j’ai envie d’écrire c’est - le 11 juin 1991.
Un mélange d’humilité et d’exubérance, de joie et de silence, tu «trônais » au milieu de nous autres, femmes et hommes fébriles et en attente de la cessation de la souffrance ordinaire.
Je ne t’ai pas « vu » sur le coup, Yvan, il eut fallût pour cela révoquer la guerre intérieure et trop ordinaire qui m’assiégeait. Je me suis « vu » enfant capricieux, tissu émotionnel tramé d’impatiences et de frustrations. J’étais squatté par un menteur qui prétendait ne rien chercher d’autre que le Soi, un prétentieux gavé de savoir spirituel de seconde main.
J’étais envahi à cette époque par un sentiment de supériorité face aux autres, élitiste pour cacher ma vulnérabilité et mon égarement . Je vivais le quotidien en boitant, avec mes balbutiements de sanskrit, mon approximatif Védanta, que je plaçais au-dessus de toutes les normalités, quêtes de bonheurs matérialistiques, mais en fait c’était un sentiment d’infériorité et un désir de revanche qui me rendait agressif et dominateur.
L’impitoyable miroir Yvan me fit réaliser que mes moteurs d’exister ne me mèneraient nulle part et qu’ils alimentaient la souffrance dont j’ambitionnais l’anéantissement dans une paix transcendante.
Tu démontas le mécano psycho-affectif qui jette l’homme à l’assaut du bonheur dépendant d’objets ou de circonstances. Et je me retrouvai auditeur désemparé, constatant que le fait même de se chercher était l’obstacle, mais oh malheur, damnation, celui de ne pas se chercher également !
Alors que faire ?
A cette question aucune réponse formelle, aucune recette ;
Le chemin vers soi ne relève pas de la cuisine où opère les causalités : temps de cuisson, ingrédients, etc.
Après mes tentatives de compétition et de séduction avortées auprès de toi, Tu devins un ami, l’Ami, celui qui me montra l’inaccessibilité de soi et me renvoya à l’audace d’oser être pleinement moi-même.
Dans mon quotidien je tentai de «laver» l’attention subjective, et je marchai le chemin que je m’inventai sans plus me retourner, arrimé aux élans sans m’attacher aux résultats.
Parfois je réalisai, de manière aiguë, que le marcheur co-existe dans la marche uniquement quand il se fixe un objectif ; alors un feu qui ne brûle rien d’autre que lui-même, feu sans foyer, sans carburant, agrandissait mon cœur à tout mon corps, à tous les corps.
Souvent ces années-là je me roulai dans la boue pestilentielle des déprimes et autres acédies de l’âme comme ils disent les théologiens savants !
Mais des verrous cédèrent, un relâchement se fit.
Yvan tu ne m’as rien apporté, car l’Amour brûle l’accumulation et les spéculations.
Yvan tu n’es pas mort si je suis Vivant.
Yvan dans le passé je ne t’ai jamais rencontré, jamais. Et c’est heureux.
Yvan tu ne peux pas m’aider. Et c’est encore heureux car comme le dit l’ami Coluche : « Arrête de m’aider, déjà que je n’y arrive pas tout seul ! »
La rosée ne mouille pas les pieds quand on est chaussé.
Le chemin vers soi est le contraire d’un préservatif.
Dieu n’attend personne.
Personne ne peut se donner un rendez-vous avec lui-même.
Seule la conscience de l’impersonnel transforme .
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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