3 Janvier 2010
Laboule est un minuscule village Ardéchois , à l'écart du monde, affirmeront ceux qui croient que l'essentiel pourrait être autre part que dans leur propre regard.
Ce village, qui nous fît l’hospitalité en 1988, est arrimé à mi pente d'une montagne.
La terre , sur laquelle il repose, est un pays de vent ample, de pluies exagérées, de soleils ardents, d'orages inouïs.
Le châtaignier, la ronce, le genêt et la bruyère y racontent le granit.
Les cerisiers font neiger leurs fleurs blanches au printemps.
Les châtaignes abondent à l'automne.
Les digitales, fleurs pourpres et redoutées, escortent les promeneurs le long des chemins griffus.
Ici la terre est balafrée de gorges sombres où dégringolent des ruisseaux, grondants en automne, presque taris aux sèches outrances des étés.
La nature, qui trempe ces géométries végétales et minérales
dans le silence de toutes les origines, de la crosse d'une fougère au rocher moussu, a la capacité d'accorder le marcheur à un diapason inaudible.
En ce pays de joyeuses outrances règne une indicible unité des contraires et des contrastes, à peine voilée et révélée par la profusion des formes.
Mais certains hommes le disent misérable, juste bon à se faire traverser en été par les incontournables randonneurs.
A l'heure de l'Europe des marchands, certains cherchent à faire
de Laboule un produit de spéculation supplémentaire. Faire de tout un objet de consommation, voici la misérable ambition de ceux qui se croient toujours pauvres. Mais leur pauvreté n'a rien à voir avec l'argent, les possessions qu'ils ont ou convoitent; elle relève d’un aveuglement, d’une incapacité à voir ce qui nous est donné.
Laboule vue Est
Sur cette terre d’accueil les volcans dorment, dit-on, depuis longtemps, mais qui sait la profondeur exacte du sommeil d'une telle capacité d'embrasement.
Avec Marie, nous y avons achetés une de ces bâtisses imposantes datant du quinzième siècle, faite de pierres grises et de fenêtres étroites, dont la sobriété pourrait faire songer à un couvent.
L'austérité toute minérale qui en émane semble défier le temps, à moins qu'elle ne l'accompagne, ce qui est une autre manière de le dissoudre.
L'être de cette maison rayonnait une présence bienveillante, bien que dans son corps de pierre bruissait encore de sombres mémoires.
Nous sentîmes à la première rencontre que cette cohésion minérale avait malgré tout une respiration lente et pacifiée.
Ces grosses pierres grises irradiaient un silence qui nous attirait.
Les vendeurs étaient un couple de retraités, qui n'aspiraient plus qu'à vivre dans la grande et sécurisante ville, aux pieds des nouveaux dieux, les médecins et les magasins.
L'affaire fut rondement menée.
Je voyais une histoire d'amour et de rédemption à travers cet achat, mais cela ne m'empêcha pas de parler efficacement argent, puisque c'est le langage que tout le monde s'accorde à comprendre et à chérir.
Je songeais déjà à la tranquillité de ce village, à ces collines où j'irais puiser la versatile inspiration, si essentielle à ces imprévisibles états, que confèrent une disposition à l'écriture.
Et mon ami sculpteur Christian Hornick, connu à Pondichéry, construisit une cabane sur la plus haute terrasse du jardin, sur un lieu fait en oiseaux, en vent et en silence, où chaque jour que Dieu fait, je vais m’asseoir pour remercier l’être de ce lieu.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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