28 Janvier 2017
Yunus Emre, tu le sais, « rien ne pousse dans un cœur de pierre »
Aube soyeuse, descente du train, mon guide blanc dans la main
Mon bâton d’aveugle ouvre, non, ouvrait, le chemin
Électrochoc, un voleur m’a arraché ma seule lumière !
Le chameau d’or de la vanité meurt de soif devant le puits plein
L’écho n’est pas autre que la voix qui appelle
Taptuk, toi l’aveugle inspiré, où est l’étincelle ?
Je m’asseois sur le quai. « Mort est l’homme qui se plaint. »
J’en ai marre de boire dans la tasse brisée de la vie
Ô Taptuk, où est l’intemporel fil d’or qui raccommode le manteau déchiré de l’âme ?
Merde alors, dans mon jeu, beaucoup de cartes noires et rarement le cœur rouge de la dame
L’imprimerie a séquestré la poésie vivifiée par l’oralité.
S’asseoir, respirer, ne pas céder à l’appel de la victime
Un aveugle sans bâton
Est-ce un homme sans poumon ?
« Fais confiance, même pour l’aveugle la canne blanche n’est pas la lumière ultime. »
Quelqu’un, anonymement, rapporte ma canne subtilisée
La vie m’invite à être confiant quoi qu’il arrive
On dirait que de toute éternité je m’attends sur l’autre rive
Le film « Midnight Express » m‘a démoralisé.
Sandwich au maquereau au bord du Bosphore
De notre balcon et à travers tes yeux aimants, rubis de grenade sur ciel bleu
Perdus dans la nuit glaciale de venelles pentues, et amoureux
Tu sais, Istanbul, Pierre Loti n’a pas épuisé toutes les métaphores.
Büyükada, sous nos pieds entremêlés la mer de Marmara
Sa peau douce raconte l’histoire de la Méditerranée
Au bout de ma langue l’épice de ses abîmes safranés
Nasruddin : « Je donne mon âne à celui qui le retrouvera. »
Anatolie, nuit de peur et de loups hurlant dans les collines
Pain, halva, dattes, duvet, allumettes, neige poudreuse, il fait atrocement froid
Dans la violence du vent de la steppe grise, entendre la parole sans voix
« Le monde, disait Mevlânâ, est une taverne de ruines. »
Karim le derviche : « Ton cœur est ignorance joyeuse »
Les hommes égarés ont perdu la clé dans le noir
Hélas, le plus grand nombre la cherchent dans la lumière de l’espoir.
N’être plus que pure attention amoureuse.
Dans l’amphithéâtre d’Éphèse une voix anonyme célèbre le lieu
Avec l’enfant Leïla, volons les miettes d’un temple pour le frisson partagé de l’interdit
Auto-stop, des gamins nous jettent des cailloux d’un taudis
Au pied du mont Ararat nous nous faisons harceler par de faméliques chiens pouilleux.
Dans une taverne sordide une putain parfumée au rahat loukoum m’offre un raki
Marier un Français, pour elle, la promotion
Mon Aziyadé dans le marc de café me conseille de faire attention
Au fait, Taptuk, toi qui as ouvert une porte dans la crypte de l’amour, je suis qui ?
Dans leurs cocons attendent patiemment les vers à soie avant d’éclore
Feu de bois, plage déserte sur la mer Noire
Poissons grillés, un vieux pêcheur nous raconte des histoires
Nous ne comprenons pas ses mots mais l’amitié nous réunit jusqu’à l’aurore.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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