19 Août 2017
Je suis devenu pote avec Ito, un Japonais qui s'occupe à Tokyo de la venue de groupes de rock et autres icônes anglophones, comme Frank Zappa, Carlos Santana… Nous sommes au Guatemala. Nous prenons un verre dans un bistrot, et comme j’ai les intestins en capilotade je joue ma carte joker : je commande un Coca-Cola ; ce breuvage que je n’affectionne guère s’avère efficace en cas de désordre gastrique. Légende ou pas, ça me fait du bien.
Mais voilà qu’Ito se transforme soudainement en rivière de rire. Il se répand physiquement sur la table qui nous sépare. Je ne comprends pas ce qui se passe et encore moins quel est l’objet et le déclic d’un fou rire aussi inextinguible. Certes j’ai bien entendu la serveuse nous apporter les deux boissons, j’ai même décelé le moment où elle les a ouvertes. Mais je ne perçois absolument pas ce qui peut déclencher une telle mousson de rire chez mon camarade, plutôt sur une certaine réserve d’ordinaire, sans doute due à l’éducation qu’il a reçue. Qu’importe, l’eau de son rire est hautement contagieuse. C’est si bon ! À mon tour, je pouffe. Si l’on me demandait pourquoi, je ne saurais quoi répondre hormis que je cascade, emporté par le rire en crue de mon nippon de compagnon. (Nippon, en japonais, signifie « Soleil levant ».)
Quand enfin il retrouve son souffle, Ito m’explique la situation : « Il y a un chewing-gum mâché dans ton Coca. Tu es passé à côté de la fortune ! » et de s’envoler vers de nouvelles altitudes d’un rire homérique.
— Mais pourquoi suis-je passé à côté de la fortune, Ito ?
— Parce que, bredouille-t-il dans son anglais d’oiseau gazouillant, si nous avions décelé l’intrus avant l’ouverture de la bouteille, nous aurions pu porter plainte contre Coca-Cola, demander réparation et nous pourvoir en justice. Tu imagines le scandale ? Ils ont une image à défendre. Nous serions riches, fuck, fucking rich, et nous aurions pu voyager pendant plusieurs années et boire du champagne par exemple, du french champagne ! » Et il éclate de nouveau en perles et gouttes et ouragan de rire.
Cette petite anecdote voyagera de bouches à oreilles, et des mois plus tard elle me sera restituée, à peine modifiée, par des étudiants yankees à Mexico. Je tairai que j’en ai été à la fois le héros et, d’un autre point de vue, la victime.
Ce soir-là, dans une cantina bondée, nous ne buvons pas de Coca-Cola mais du mezcal, puissant alcool tiré d’un cactus mexicain. Et là, on y découvre non pas un chewing-gum mais un ver, dont le nom scientifique est Hypopta agavis. Ce nom, ce ne sont pas mes voisins, tous plus saouls les uns que les autres, qui me l’apprendront, mais celui qui a réponse à tout : Google.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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