6 Janvier 2018
Un soir d’errance, une exquise personne d’âge mûre m’héberge. Elle n’a qu’un lit dans son studio. Je lui dis que j’ai l’habitude de dormir à la dure : « une couverture sur la moquette et le tour est joué ». Mais rien n’y fait, elle tient à m’honorer en me prêtant son lit pour la nuit. Je capitule. Elle dormira au pied de la télévision sur un matelas de camping.
Au moment où je me glisse entre ses draps, je l’invite à venir partager son lit. Elle refuse catégoriquement, dieu soit loué, et m’explique avec un très grand sérieux qu’à la télévision elle a entendu dire que les personnes handicapées seraient plus obsédées sexuelles que les autres. Je retiens un sourire. Non, je n’ai pas envie de dormir, plutôt envie de me divertir. Je me vois dans le rôle d’un personnage grotesque et inventif, bouffon d’un roi tyrannique dans une moyenâgeuse cour orientale.
Je lui dis : « Bon ma chère, je vais te raconter ma première aventure avec une femme. C’était un peu singulier, mais cela pourrait bien t’expliquer pourquoi toute ma vie j’ai été un tantinet porté sur la chose, comme tu l’as si bien formulé. »
La voilà assise à côté de moi et qui m’écoute avec des yeux qui iront – j’imagine – jusqu’à manger tout son visage sous l’effet de l’ébahissement. Pour improviser, je dois laisser monter de mes tréfonds sensoriels une image à partir de laquelle je pourrai étirer des fils de mots jusqu’à en faire un écheveau qui deviendra alors une histoire. Il en résulte bientôt une ambiance glauque, une grande salle avec des lits en fer blanc, des néons assassins d’intimité, des murs jaunes souillés de traces d’humidité verdâtres. Et d’un seul coup, ce lieu, je le reconnais : euréka, c’est le dortoir de mon enfance en institution ! Et je pense que mon récit sera d’autant plus crédible si je le mets au présent.
Imagine, la punition favorite de mademoiselle Chantal - une des pionnes qui surveillent notre dortoir, est de nous mettre à genoux jusqu’à point d’heure dans un couloir devant la porte de sa chambre. Extinction des lumières à 20h30 pour la trentaine de gamins de 10 à 14 ans que nous sommes, censés nous endormir immédiatement. Toutes les complicités, les rivalités et le goût naturel pour la transgression font que, dans le noir, s’échangent des mots, des rires nerveux, des vacheries diverses et quelquefois des attouchements secrets entre voisins. La « vieille vache de Chantal », comme nous la désignons, a l’œil, mais nous sommes malins et bien que mal voyants nous avons, si ce n’est l’œil affûté, l’ouïe aux aguets. Dès que la monitrice quitte le dortoir pour rejoindre sa chambre, les activités reprennent. Des fois elle fait semblant de s’en aller, mais elle revient en évitant de faire craquer ce foutu plancher pour nous prendre en flagrant délit. Pour sa pêche au coupable, je suis incontestablement son petit favori. Je me retrouve à genoux pendant une heure trente dans le couloir. Si je m’appuie contre le mur pour soulager mon dos et qu’elle s’en aperçoit, elle vient me tordre l’oreille et me tance vertement.
Un soir de punition - il est tard, tous les enfants doivent dormir – elle s’approche de moi et me dit, avec une amabilité que je ne lui connais pas :
« J’espère que tu t’es bien lavé dans la douche ce soir ? »
Et tout naturellement, elle fait glisser sur mes cuisses mon pantalon de pyjama, m’écarte les fesses pour voir si je suis propre de ce côté-là. Puis elle prend mon sexe entre ses doigts. Je suis presque absent tellement je suis troublé. Elle descend alors le repli mobile de la peau et observe un moment pour vérifier si j’ai bien visité cet endroit avec le gant et le savon. Puis doucement et avec insistance, elle baisse et remonte la peau du prépuce. Ma bite – comme nous appelons notre verge entre copains – reste un temps figée dans un état de flaccidité. Faut dire que je suis très très mal à l’aise. Je me dis que ça ne se fait pas. Seule ma maman a pu faire cela en me lavant, et encore, quand j’étais plus petit. J’ai treize ans. Mais d’un seul coup je bande, je bande à faire sourire de bonheur Priape lui-même, et embarras, peur, honte, notion de ce qui se fait, de ce qui ne se fait pas, tout fout le camp, ne reste que désir et plaisir. Mademoiselle Chantal a une voix plus grave, légèrement haletante. Elle me susurre dans l’oreille :
« Tu aimes ça, hein ? Tu veux que je continue ou que j’arrête ? »
Je ne réponds pas, les mots n’arrivent pas sur mes lèvres sèches. Et elle continue de branler mon sexe en accélérant le mouvement. Je n’arrive pas à y croire, mais le plaisir est si vif que je m’interdis toute réflexion. Je jouis dans les mains de cette pionne si sévère que nous détestons tous si cordialement. C’est la première fois que j’éjacule dans les mains d’une femme. Ca va orienter ma vie, imagine.
Et mademoiselle Chantal m’avertit, avec une voix redevenue autoritaire :
« Surtout tu n’en parles à personne, on n’a pas le droit de faire cela, tu sais ; mais comme j’ai senti que tu aimais beaucoup ça, je te l’ai fait. Si tu en parles, personne ne te croira, et puis moi je ne te ferai plus jamais plaisir. Mais si tu gardes ce secret, je reviendrai discrètement vers toi et je te ferai découvrir d’autres choses qui font beaucoup de bien. »
Et quand je rentre dans le dortoir, je suis heureux et troublé. Heureux parce que je viens de vivre quelque chose de transgressif qui fait de moi un petit homme, troublé parce que, quand même, se faire branler par mademoiselle Chantal qui est méchante comme une teigne ça a de quoi déconcerter ! Je crois que c’est dès ce soir-là que je prends goût à m’appliquer à être différent. Pour la première fois je décide de choisir et de ne pas toujours faire ce que parents, profs, éducs, nous enseignent. D’ailleurs, mademoiselle Chantal dit que ce n’est pas bien de prendre des douches à plusieurs, de rapprocher notre lit du voisin la nuit, etc., etc., enfin toutes les leçons de morale de l’époque. Mais elle vient de me montrer un autre aspect de son personnage qui n’a rien à voir avec ce qu’elle dit, crie, tente de nous faire rentrer dans le crâne en nous pinçant, tirant l’oreille ou lâchant une claque.
Le lendemain, rien, hélas pas de punition dans l’affreux couloir nocturne. Mais le midi qui suit, prétextant je ne sais plus vraiment quoi, tandis que les copains jouent dans la cour, elle m’attire dans sa chambre. Sa voix, une fois de plus, change, s’adoucit, s’humidifie :
« C’est bien, tu n’en as parlé à personne, je peux donc te donner encore du plaisir. »
Et elle m’invite à m’allonger sur son lit. D’une main décidée elle baisse mon jean et lève jusqu’à mes côtes mon tee-shirt jaune pâle sur lequel j’ai inscrit au marker noir le nom de mes groupes de rock favoris : Mountain, MC5, Deep Purple, Rolling Stones, Led Zepplin, Black Sabat…
J’ai treize ans et pour tout dire je ne connais rien aux choses du sexe. Tu imagines, c’est un temps où l’on ne parlait pas de ces choses-là avec les parents. Un temps où nous n’avions ni télévision, ni internet, ni livres dans notre ferme. Alors, lorsque mademoiselle Chantal me dit : « laisse-toi faire, tu vas beaucoup aimer », je ne m’attends pas du tout à ce qu’elle engloutisse mon sexe frémissant dans sa bouche.
À ce point de mon récit, je sens mon hôtesse un peu embarrassée, raclements de gorge, respiration ralentie. Ses mouvements disent : mais jusqu’où va-t-il aller ? Je fais comme si je ne remarquais rien, je poursuis :
C’est bon, si bon, mais tu comprends, je n’ose pas éjaculer dans la bouche de ma pionne. Ça ne se fait pas. Il y a des limites ! J’essaie de me contenir, effrayé à l’idée de jouir à chaudes laves dans cette bouche que tous les élèves de l’institution connaissent comme mauvaise. Et c’est à ce moment là que je découvre qu’elle fouille activement avec sa main droite entre ses jambes et que sa respiration s’intensifie. Elle pousse des petits cris de souris qui m’impressionnent tellement que je relâche ma vigilance et du même coup mon sperme enfin libéré de ma pensée jaillit dans sa bouche. Je dois être rouge de confusion. Elle se relève et me dit :
« J’ai vu que tu as beaucoup aimé cela aujourd’hui. Si tu n’en parles pas je te montrerai d’autres choses. » Et pendant qu’elle me parle avec une voix maternante, elle se caresse l’entre-jambe. Je n’ai déjà presque plus de vision, mais je peux distinguer son sexe rose, ses poils noirs et luisants, ses doigts qui s’agitent. Je relève la tête et je vois son visage. Ce n’est plus mademoiselle Chantal, cette peste de femme qui nous fait songer à un dragon. Elle est redevenue une jeune femme de vingt ans avec des gouttes de sueur le long des tempes, des yeux chavirés de plaisir. Même sa bouche ordinairement pincée se déploie en un sourire bienveillant. Mon sexe se dresse de nouveau et ma main maladroite file vers sa toison pour se mélanger avec ses doigts agiles. Elle s’assoit tout contre moi, les cuisses largement ouvertes. Elle me montre comment la caresser. Puis elle me fait entrer en elle. Sa langue et son souffle visitent délicieusement ma bouche.
Quand je sors de sa chambre, je ne suis plus puceau. Mais je dois garder cette fierté rien que pour moi. J’ai pourtant envie de crier au monde et particulièrement à mes copains : moi, maintenant je suis un homme, je connais la femme et les plaisirs qui vont avec !
Mon hôtesse bâille et me souhaite bonne nuit :
« Tu ne salis pas trop mes draps en pensant à ce que tu viens de me raconter !
— Maintenant, tu comprends pourquoi les aveugles de mon genre sont des obsédés sexuels ? »
Il y a de la perplexité dans le sillage tapageusement parfumé de mon hôtesse. Elle ne sait pas trop si je suis un conteur, un affabulateur ou peut-être la victime réjouie d’une jeune femme initiatrice et délicieusement amoureuse du sexe.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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