27 Août 2020
Limoges, à ma naissance, dans mon berceau, une carte
Damas, Panama, Bisao, Riga, Quito, Papeete, Java
Des noms de lieux qui chuchotaient : tu ne tiendras pas en place, il faudra que tu partes
Prends des forces dans ton berceau et à l’adolescence, va !
Moi : « Voyager, d’accord, mais est-ce que ça sera une fatalité » ?
Le jumeau invisible : « Oui, tant que tu penseras qu’ailleurs c’est mieux »
« Mais alors où est ma liberté » ?
« Nulle part tant que tu croiras que tu as un destin à accomplir et en feras un dieu ! »
Istanbul, appréhension du poignard des janissaires à l’ombre d’une muraille byzantine
Tabriz, une pluie rouge de fleurs de grenadiers ensanglante l’eau sombre du puits
Harar, un poète venu de France embarque sur son bateau ivre les hommes en quête d’origine
Tafraout, les étoiles recousent le basalte des cicatrices de la nuit.
Rangoon, en or ou en pierre, les bouddhas sont impassibles
Hammamet, qu’est-ce que je fous là, à nager à contre-courant dans le tourisme de masse ?
Battambang, j’appelle en renfort les chauves-souris, de moustiques voraces je suis la cible
Mombassa, à la recherche d’un voilier. Le voyage est-il une impasse ?
Kaboul, notes bleues d’un rebab et gouttes sonores d’un tabla aquatique
Dubrovnik, les chaises aux terrasses des cafés naviguent dans les rues inondées
Tallinn, il y a la musique d’Arvo Pärt dans chaque respiration de la Baltique
Omkareshwar, superstition et spiritualité hantent les ruelles indiennes bondées.
Bobo-Dioulasso, sous un baobab un griot égrène des présages
Pompéi, dans les capteurs de mes mains un mur chuchote la colère du Vésuve
Sanaa, au pied des maisons-tours, immersion troublante au moyen-âge
Amazonie, une mémoire végétale en odyssée de cris et d’effluves.
Sidney, pour piéger Moby Dick, plus besoin de harpon
Ziguinchor, j’aspire encore et en corps à d’autres bouts du monde improbables
San Francisco, the summer of love, 1967, je n’étais pas sur le pont
Acapulco, des golden boys paradent sur le sable.
Manille, empoisonnement de fruits de mer, jamais je n’oublierai cette nuit-là
Bucarest, de toutes ces ivresses géographiques, qu’est-ce qui me reste ?
New York, désolé Mrs Smith, mais sur le Mayflower je n’étais pas
Jérusalem, arythmie sourde de cœurs qui ne portent pas la même veste.
Rio de Janeiro, amours clandestins dans une douche collective
Grèce, dissimulés à l’arrière d’un pick-up nous rentrons en fraude dans Ioannina
Errance nocturne dans les rues sans lumière de Tananarive
Colombo, en traversant le pont de Lanka, Hanuman a sauvé Sita et vaincu le démon Ravana.
Géographie mon amour, j’ai réparé la capitulation d’Ératosthène, adieu !
Désormais assis auprès du cœur d’une femme, j’habite une impasse
D’où s’est évaporée la tentation de remplir mes manques avec des noms de lieux
Et je respire paisiblement le brouhaha ferrugineux des trains qui passent.
Kotor, Lima, Riga, Chongqing, Khartoum, La Paz, Kigali
Ô monde, un temps j’ai succombé à l’hypnose des pages de ton livre parfumé
Coimbra, Louqsor, Quito, Nouméa, Addis-Abeba, Lahore, Mexico, Bali
Tous ces pays, ces villes, je voulais les caresser, les humer, m’y pâmer.
Roitelet, rouge-gorge, mésange, chardonneret, verdier, fauvette
5 impasse des Saules, sous les bleus inspirants du ciel de Provence, entre olivier et oranger
Les trains passent sans moi, les oiseaux s’époumonent à tue-tête
« Cuicui », tout va bien ici ; il n’y a plus autre part, un peu comme si ça n’avait jamais existé l’étranger !
Limoges, à ma naissance, dans mon berceau, une carte
Oslo, Le Caire, Macao, Bogota, Phnom Penh, Tirana
Des noms de lieux magiques murmurant : tu ne tiendras pas en place, il faudra que tu partes,
Fatalité, destin, avec Hanuman on a triomphé de toutes les tentations de Ravana !
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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