D’un livre de Kerouac, il pourrait être un des personnages
Mais d’un livre il n’a jamais tourné une seule page
Ses pas, légers ou lourds, sont son unique écriture
Déchiffrer les âmes, la nature, sa lecture.

Orphelin, va-nu-pieds, gobeur d’étoiles en déroute
Sa vie incarne les notes mineures du blues qui l’ont jeté sur les routes
Dans son harmonica, on entend la nostalgie d’un pays sans frontière
Où le mépris des possédants ne le jetterait plus à terre.

De l’Armée du Salut aux granges ouvertes, musette, paletot, chien, aucun certificat
De l’Arkansas au Mississipi, en passant par le Nebraska
Il marche, roule, navigue, loue ses bras pour les moissons
Son corps fourbu connaît toutes les morsures des saisons.

Divorcé d’une prostituée cubaine à Miami
Désormais il bourlingue avec son chien comme seul ami
Fraudant les trains de ville en ville
Ici docker, là ouvrier agricole, mineur ou encore en prison pour une bagarre à Jacksonville.

Né nu, mort nu
On repart tous comme on est venu
Entre les deux, fortunes diverses
C’est ce qu’il chante au coin des rues, sous le soleil, sous l’averse.

De l’american way of life, il est un des possibles produits
Ses rêves d’enfant ont été détruits
Il survit en trimant, chien, harmonica et mal de dos
Du Connecticut au Kentucky, de l’Oregon au Colorado.

Souvent il rêve d’une terre où il ne courberait plus l’échine
Femme, enfants, petite maison, draps blancs, des machines
Une vie ordinaire dans une petite ville comme il y en a tant
Des voisins avec qui il parlerait de la pluie et du beau temps.

Mais ses rêves se déchirent sur les barbelés de l’aurore
Il faut se lever dans le froid, malade ou pas, être fort
Couper le blé qu’il ne mangera pas
Parfois se contenter d’un quignon de pain dur pour unique repas.

Pas d’épaule sur laquelle pleurer
Pas de dieu à implorer
Oui, d’un livre de Kerouac il pourrait être un des personnages
Mais d’un livre il n’a jamais tourné une seule page.