5 Octobre 2010
Avec Marie nous arrivons en auto-stop de Panama.
Nous venons de vaguement sommeiller quelques heures sur un banc
de station service et nous n'avons rien dans l'estomac car le gérant
du lieu a refusé de nous vendre un verre de café et une tartine.
Il n'aimait pas les « rolling stones », vagabonds de notre espèce.
Vieille histoire, et cependant si actuelle entre Abel et Caïn, le nomade
qui n'amasse rien et le sédentaire qui tente d'élargir ses possessions.
La peur de la différence, la peur qui tue la solidarité, qui déshumanise l'autre en criant qu'il n'est pas comme il faut, ce qui justifie toutes
les lapidations morales ou physiques.
Il fait mortellement chaud en juin en Arizona. Marie me décrit les
nuances de bleus qui ourlent l'horizon. Nous agitons le pouce pour
arrêter une des voitures qui filent sur l'autoroute et ce qui arrive
ne relève pas de notre désir conscient. Un véhicule de police freine brutalement à notre hauteur, deux hommes en sortent, très cow-boys,
et commencent à nous apostropher de manière peu amène.
Ils vérifient nos papiers, nous dressent une amende - à payer dans
le mois sous peine d'encourir des poursuites judiciaires - (mais nous
serons au Canada dans quinze jours), et surtout nous enjoignent de détaler de la highway où il est interdit de faire de l'auto-stop.
Il y a une bretelle d'autoroute en pleine campagne et quasiment aucun véhicule ne s'y présente, mais nous devons y aller et pour cela nous
devons escalader une barrière de deux mètres de hauteur avec nos
sacs à dos car nos accusateurs n'entendent pas que nous la rallions
en marchant sur le bas-côté de l'autoroute. Il n'est pas question de transgresser les lois ! Quand à l'idée de nous y accompagner en
voiture, celle-ci ne se présente pas à eux, à moins qu'ils préfèrent nous humilier en nous laissant franchir cette barrière.
Là, découragés, nous nous asseyons sur nos sacs et nous demandons combien de temps allons nous stagner dans cette apparente prison
ouverte. Mais ce ressentiment a pour limite et origine la croyance
que tout dépend de nous et que les circonstances sont forcément défavorables !
Mais qui pourrait affirmer une conclusion définitive alors que tout est interdépendant, inattendu, imprévisible ?
Nous sommes inquiets car nous n'avons plus d'eau dans notre gourde
et le soleil flèche des ardeurs qui sucent la sueur et évaporeraient n'importe quelle flaque d'eau ! Mais une voiture qui file à grande vitesse nous dépasse et freine bien loin de nous, entamant une marche arrière impressionnante.
Le conducteur se penche à la fenêtre et nous dit que nous sommes fous d'auto-stopper dans cette région aride, à une heure pareille, et il
nous tend une immense gourde d'eau avec des glaçons.
Quand nous prenons place dans son véhicule, il nous confie qu'il ne ramasse jamais d'auto-stoppeurs, mais qu'aujourd'hui avec une telle chaleur il s'agit d'un cas particulier de non-assistance à personne en danger.
Ah ça existe ce concept ! Je le bénis et je suis reconnaissant que des
gens l'applique en n'adhérant pas à leurs coutumières habitudes !
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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