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La mort d'un ami

G Oberson

G Oberson

Dimanche 30/07/2000

 

             " La vie et la mort n'existent pas et ne sont pas différentes. "

 

C'est la fin éminente d’un ami. Il n'a pas mangé depuis près de quinze jours. Sa femme, le veille jour et nuit, lui administrant de la morphine afin qu'il ne souffre pas trop. Et ce suivi demande beaucoup de doigté car il convient assurément que la douleur soit éradiquée mais aussi que la conscience de l'agonisant reste le plus possible intacte et claire.

Nous nous attendons à sa mort éminente. Nous irons à son enterrement, évidemment. Et si cette fois-ci il y a la possibilité de voir son corps, je souhaite Leïla, haute de cinq ans, que tu sois en contact avec cette cadavérique réalité.

On dissimule nos morts aujourd'hui, dans ce monde moderne, où une croyance inavouée, inconsciente, et toute médicale, imagine qu'un jour proche, grâce aux progrès fabuleux de la science, la mort sera repoussée, voire remisée au rang de mauvais souvenir appartenant à un monde révolu, ignorant et impuissant.

J'ai regretté en juin 1999 que tu ne vois pas le corps d'Yvan Amar, d'autant plus qu'aux dires de tous les amis et de ta mère, il y avait autour de lui, dans la pièce, quelque chose d'indéfinissable, une pacification, une présence indicible. Mais je te gardais chez Jenny où tu faisais la sieste, un jour de mistral tapageur.

A force de taire et de cacher nos morts, on fait de la vie un processus isolé du périr, et c'est non seulement hypocrite mais entièrement inexact, car la vie est mort constante.

Pourquoi la simple vue d'un cadavre précipite-t-elle les gens dans un insurmontable émoi ?

Parce que leur peur, expression du refus, les fait s'identifier à ce qu'ils voient.

De chaque événement perçu, de chaque rencontre, si je m'en sens isolé, j'en éprouve une appréhension plus ou moins intense et, du même coup, je les subis. (Par subir, je signifie que mon confort psychologique va dépendre de la forme des événements.) Là, je me situe douloureusement du côté de l'objet créé, provisoire, mortel. La peur me ronge.

Au contraire, si je me reconnais coopérant avec la force créatrice de tout ce qui arrive, le cadavre auprès de moi cesse de m'effrayer car il est aussi ma propre manifestation. Et comment aurais-je peur de ce que je suis ?

Quand on résiste à la forme que prend l'instant, le cadavre ou la rose, on se réfugie dans la peur ou dans une quelconque croyance. Mais quand on se reconnaît comme le corps même de l'instant, quelque soit sa forme, cadavre ou rose, on se découvre comme étant le jeu de la Vie qui conçoit et décompose les mondes. Comment pourrait-on alors être affecté ?

Tu l'auras compris Leïla, ce qui guide ma vie du plus profond c'est le pressentiment que l'autre, être animé ou inanimé, est moi.

 

Voyons ce que dit mon amie Anna sur la mort:

" Etre mort, ça n'était pas une histoire. Mourir pouvait en être une, mais pas si on avait vraiment vécu. Pour mourir, il fallait s'être un peu préparé, et la seule préparation à la mort, c'était de vivre vraiment, comme la vieille Mémé Harding . "

Fynn, dans son livre Anna et mister God, écrit quand il parle d'Anna:

« A chaque seconde, elle acceptait sa vie telle qu'elle était, et acceptant la vie, elle acceptait la mort.

On en parlait souvent avec elle, sans que ce fût morbide ni angoissant, mais comme d'une chose qui se produirait, un jour ou l'autre, et qu'il valait mieux connaître un peu d'avance au lieu d'attendre le dernier moment, et de paniquer.

Pour Anna, la mort était une porte ouverte sur les possibles. »

 

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À propos

Jean-Pierre Brouillaud

Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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