2 Septembre 2018
J’ai vu un homme, rue de la Velouterie ; l’air singulier, un peu perdu, il a aussitôt attiré mon attention. Il marchait un peu de travers, hésitant, un regard inexpressif semblant ne s’ancrer nulle part. Était-il ivre, drogué, ou s’était-il évadé d’un asile psychiatrique, de Montfavet, par exemple ?
Ce passant m’intriguait mais je n’arrivais pas à savoir pourquoi : était-ce une dissonance dans sa démarche réticente ou un petit quelque chose de gauche dans son allure générale ? Je me frottai vigoureusement les yeux comme pour les rendre plus sagaces, pénétrants. Et, déconfit, qu’est-ce que je découvris, rue de la Velouterie ? Notre homme marchait avec une canne blanche – c’était le détail dérangeant que jusque-là je n’arrivais pas à voir ! Il n’était ni ivre, ni drogué, ni psychiquement troublé, mais simplement aveugle.
Quel choc, quel cataclysme, cette découverte ! Surtout que je réalisai en même temps que cet homme singulier à la démarche hésitante, gauche, n’était pas un autre, un étranger, mais que c’était moi, bien moi…
Je compris alors que j’avais cédé à la tentation de me hisser sur le surplombant balcon du rêve éveillé pour me regarder hésitant devant un carrefour. Sans doute souhaitais-je me faire croire, l’espace d’un instant, que cet aveugle était un autre. Me prit alors une envie irrésistible de marcher jusqu’à lui, de l’aider à traverser, pour la seule joie de réaliser que la route de celui qui voyait et celle de l’aveugle étaient bien une et même route.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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