5 Avril 2011
En février et mars 2011 je marchais vers le passé, boîtant d’incomplétude, une rupture amoureuse me maintenant dans la comparaison. Et dans les nombreuses femmes rencontrées, je cherchais l’Aimée, l’aimée apparemment perdue, celle qui remplirait mes manques me faisais-je croire en me mentant odieusement. Une tourmente émotionnelle profonde comme les abysses me tirait en arrière, dans le monde ténébreux de la mort et de l’impossible.
J’épousai cette souffrance, persuadé qu’il faut bondir dans le brasier pour connaître la véritable nature du feu et que le " pire évite le désastre ", comme le dit Christiane Singer, celui de ne pas être vrai ! …Et tu es venu sur ma route d’errant blessé, femme laveuse d’âme, femme-éponge qui efface le mensonge, toute simple, belle de ton naturel, inspirée sans même le savoir.
A minuit, tu m’as invité à te suivre, j’ai cru que tu voulais me montrer quelque chose, un objet d’art, une étoffe à toucher, ton lieu de recueillement, et je t’ai suivi, confiant, le whisky partagé - un honorable seize ans d’âge - coulant sa bienveillance dans mes veines. Quand j’ai posé mes mains d’aveugle sur un tissu, tu as dis avec l’humilité de la femme qui agit sans savoir, la femme du premier jour qui fait ce qu’elle doit faire sans anticipation :
" C’est mon lit ". J’ai prononcé oui avec un mot à peine soufflé au dehors et mon corps criait non j’ai trop peur et comme j’ai peur je refuse . Mais ma bouche qui obéissait à plus vaste que la crainte dessina un sourire qui était le prolongement et l’expression du oui timoré. Tu m’as demandé - " Tu me déshabilles ? " Je me suis entendu dire non, non je ne peux pas. En fait, celle que j’aimais, qui me manquait si cruellement, semblait à ce moment précis me regarder avec ses yeux qui me mettait à nu, ce regard qui me perforait du temps de notre relation vivifiante en me livrant entier à l’instant. Quand nous fûmes blottis l’un contre l’autre, nos faisceaux de sensations se raccordant pour amplifier le désir, je t’ai demandé, craintif - " Tu as éteins la lumière ? " Je ne voulais pas être vu, ou plutôt je ne voulais pas que tu vois l’autre, la femme aimée qui inévitablement allait se glisser entre nous comme à chaque fois que je rencontrais une femme ces derniers temps.
Tu as répondu un peu comme une petite fille gourmande le ferait devant des framboises mûres à point - " Oh non ! "
Et ce non contenait le bonheur de voir ce qui est, tellement ce qui est, d’être ce qui est, que celle qui ne me quittait jamais à hésiter à rester, comme si elle réalisait sa nature fantasmée. Pour la première fois depuis plus d’un mois je l’ai vu vaciller, comme si l’inquisitrice lumière de l’instant consumait les ombres, leur rappelant leur nature solaire. Certes ce n’était pas elle, l’aimée, la part manquante qui depuis deux mois s’immisçait entre moi et les autres, pas elle, je le savais atrocement, mais mon désir furieux et erroné de vouloir ce qui n’était plus.
J’entrevis le début de la desquamation, de la souffrance que j’avais choisi de nourrir depuis plus d’un mois. Et quand nos corps ce sont appelés, nos bouches mêlées, quand toi et moi ne fûmes plus que relations, mouvements, ondulations, soif infinie, l’homme réalisa qu’il était guérit, lavé par cette femme offrande lovée contre lui. Dans le train qui le ramena vers l’Ardèche il avait la sensation d’avoir retrouvé la vue un temps dérobée par l’hypnose du manque ; comme quoi un aveugle peut toujours en cacher un autre ! " Je suis là où tes mains me rejoignent ". Voilà les mots que la synthèse vocale lui lue quand il ouvrit son ordinateur, mais ces mots étaient en chair de célébration!
Merci.
Amoureux de l'inconnu voyageant pour l'Aimer davantage !
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